Les mathématiques peuvent sembler complexes, mais une vieille histoire nous aide à comprendre un concept très important : la croissance exponentielle.
La légende du sage et du roi
Il y a très longtemps, un roi proposa à un sage de choisir une récompense pour le remercier d'avoir inventé le jeu d'échecs. Le sage demanda une chose qui semblait simple : il voulait recevoir du riz, avec une condition particulière. Il demanda qu'on place 1 grain de riz sur la première case de l'échiquier, 2 grains sur la deuxième case, 4 grains sur la troisième, et ainsi de suite, en doublant le nombre à chaque case pour les 64 cases.
Le roi, pensant que c'était une requête modeste, accepta sans hésiter, sans savoir à quel point cela allait vite devenir impossible.
Le pouvoir des nombres qui doublent
Le processus commence lentement. Sur la première case, il y a 1 grain de riz. Sur la deuxième, 2 grains. Sur la troisième, 4 grains, puis 8, 16, et ainsi de suite. Chaque fois qu'on passe à une nouvelle case, on double la quantité de grains.
Voici quelques exemples pour illustrer cette croissance :
- Case 1 : 1 grain de riz
- Case 2 : 2 grains
- Case 3 : 4 grains
- Case 10 : 512 grains
- Case 20 : 524 288 grains
- Case 30 : 536 millions de grains
Mais cela devient très impressionnant au fur et à mesure. Sur la dernière case, la 64ème, il y aurait 9 223 372 036 854 775 808 grains de riz. Ce nombre gigantesque est difficile à concevoir, mais il montre bien comment la croissance exponentielle fonctionne.
Si l’on additionne tous les grains de riz de toutes les cases, le total devient vertigineux. En effet, le nombre total de grains de riz serait de 18 446 744 073 709 551 615 grains, soit environ 1,8×1019 grains. Ce chiffre dépasse largement toute la production mondiale de riz pendant des siècles.
Pourquoi est-ce important ?
Cette histoire illustre parfaitement ce que l'on appelle la croissance exponentielle. Ce type de croissance commence petit, mais devient extrêmement rapide. Ce phénomène se retrouve dans de nombreux domaines, comme la croissance des populations, la propagation d’un virus, ou même l’accumulation d'intérêts sur un compte bancaire.
Ce même principe s'applique à la manière dont une civilisation augmente sa consommation d'énergie, et c'est ici que l'échelle de Kardashev entre en jeu.
L'échelle de Kardashev
L'astrophysicien Nikolai Kardashev a imaginé une échelle pour classer les civilisations en fonction de la quantité d'énergie qu'elles peuvent utiliser. Cette échelle repose sur trois grands types :
- Civilisation de Type I : capable d’utiliser toute l’énergie disponible sur sa planète.
- Civilisation de Type II : capable de capter toute l’énergie émise par son étoile.
- Civilisation de Type III : capable d’utiliser toute l’énergie disponible dans sa galaxie.
Aujourd’hui, l’humanité se trouve encore à un stade "Type 0.73", car nous n’utilisons qu’une fraction de l’énergie disponible sur Terre. Cependant, si notre consommation d’énergie continue à croître de manière exponentielle, comme dans l'histoire de l'échiquier, nous pourrions progressivement atteindre les niveaux I, II, et III de l'échelle de Kardashev.
Croissance exponentielle de la consommation d'énergie
Dans l’histoire de l'échiquier, la quantité de riz double à chaque nouvelle case, montrant une croissance exponentielle. Si l’on applique ce concept à notre consommation d’énergie, voici ce que cela pourrait signifier :
- Aujourd’hui, notre consommation énergétique mondiale est d’environ 620 exajoules par an (soit environ 6×1020 joules).
- Actuellement, notre consommation augmente de manière exponentielle, même à un taux modéré de 2 % par an. Elle doublerait environ tous les 35 ans.
- En seulement quelques siècles, nous pourrions atteindre une consommation qui rivalise avec l’énergie disponible sur Terre (Type I) ou même l’énergie de notre étoile (Type II).
Rappel : l'énergie est la mesure de la modification de l'environnement. On ne consomme pas l'énergie.
Dans un prochain article, nous explorerons quand l'humanité pourrait devenir une civilisation de Type I, II et III, ainsi que les impacts associés à chaque étape.
Source : Le site de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE) publie des rapports annuels sur la consommation d'énergie à l'échelle mondiale.